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par Hortie » 30 août 2014, 14:35
tu l'as eu surement dans tes recherches, mais voilà quand meme un extrait de la "Revue d'institut français d'histoire en Allemagne"
...."C’est à cette intersection, entre large public et spécialistes, que se situe cette publication luxueuse sur les « fruits, légumes et autres herbes de Charlemagne » : un guide descriptif et « historique » des 89 plantes dont la célèbre ordonnance carolingienne sur l’organisation des domaines royaux (avant d’être impériaux) fournit la liste dans son soixante-dixième et ultime chapitre. L’ouvrage prolonge ainsi l’ouverture il y a huit ans sur le site de l’ancienne léproserie de Melaten, près d’Aix-la-Chapelle – c’était bien le moins pour l’ancienne capitale impériale – d’un jardin où ces espèces ont été rassemblées dans un agréable quadrilatère suivant l’ordre même de l’énumération.
2Connu par un unique manuscrit de la bibliothèque de Wolfenbüttel (Helmstadt 254), le capitulaire De villis [vel curtis imperii] a fait couler beaucoup d’encre depuis sa redécouverte humaniste due à Matthias Flacius Illyricus au XVIe s. et sa première publication en 1647. Suscitant débat : à la fois sur sa date car il y est question de la reine à quatre reprises – or Charlemagne est veuf à partir de juin 800 –, et sur son attribution car, partant de certaines espèces citées qu’il imaginait propres à la sphère méridionale (coloquinte, pin, laurier), l’historien viennois Alphons Dopsch (Die Wirtschaftsentwicklung der Karolingerzeit, Weimar, 1912, I), avait cru en justifier la paternité à Louis, roi des Aquitains entre 794 et son association à l’empire en 813, ce qui tombait bien puisque les Annales anonymes dites de l’Astronome rapportaient la mauvaise administration de ses domaines après la famine de 792-793 et l’envoi de missi pour y remédier… mais en restreignait du même coup la portée géographique ! En 1923 dans la Revue historique (t. 143, p. 40-56), Marc Bloch réduisait ces arguments en laissant le champ le plus largement ouvert, ce qui n’empêcha pas la poursuite polémique (W. von Wartburg, A. Verhulst ou encore F.L. Ganshof). En 1985, Rüdiger Stelling (Sources. Travaux historiques, 2, p 35-41) a présenté une synthèse qui montrait qu’aucune région de l’empire ne pouvait être écartée de son application sur de stricts critères botaniques et climatologiques : d’autant que rien n’empêchait, même à l’époque carolingienne, une culture partielle sous abri ou en pots ! Et s’il fallait en vérifier définitivement la validité par l’expérimentation, la réussite actuelle d’Aix-la-Chapelle, certes en-deçà du Rhin, fournirait une réponse des plus convaincantes.
3La partie introductive de l’ouvrage fournit un aperçu hélas trop sommaire et mal référencé de cette historiographie (seule une bibliographie succincte figure en fin d’ouvrage, p. 415, oublieuse des références majeures et de nombreux auteurs par ailleurs aléatoirement cités dans le catalogue des espèces, Kurt Sprengel ou Ernst Meyer, pour s’en tenir aux historiens germaniques de la botanique), se contentant d’une analyse de l’ensemble des prescriptions foncières (Landgüterverordnung) et d’un aperçu sur les « gardiens de l’art de guérir » depuis l’Antiquité jusqu’à Darwin : en dépit de toute chronologie ou tradition des textes, puisque Dioscoride précède Hippocrate et Théophraste succède à Galien, sans un seul mot (ni indication de titre) sur l’Herbarius du Pseudo-Apulée ou le Tacuinum sanitatis dont les planches reproduites du somptueux manuscrit de la Bibliothèque nationale de France (fin du XIVe s.) ornent pourtant à foison le catalogue des plantes. Ce dernier constitue la part majeure et centrale de ce livre (p 47-384) : le « portrait » de chaque espèce ou variété est brossé, dans l’ordre de la visite. Outre de belles photographies de leurs fleurs qui ne correspondent pas toujours, loin de là, aux utilisations ou à une description botanique suffisante – c’est un mésusage courant en la matière –, une fiche d’identification systématique chapeaute chaque entrée avec une louable traduction des dénominations courantes en anglais, français et néerlandais (mais pourquoi pas en italien ou en espagnol à l’heure européenne ? « Camomille » ne comprend pas de « h », p. 223). Des alternatives sont aussi proposées : pour le fasiolum – la dolique ou mongette –, par exemple, ou pour la solsequia (ou solsequium), qui « suit le soleil », certes, mais dont on doutera du rapprochement avec l’héliotrope au profit du souci – calendula – plus simplement conforme à l’étymon latin, ou encore pour la livèche (levisticum) où il semble quand même bien sophistiqué de vouloir aller chercher la variété alpine de la mutelline. Diverses attributions apparaîtront pour le moins contestables : la renouée bistorte (polygonum) est ainsi donnée pour la dragantea, alors que Sprengel y reconnaissait l’estragon (artemisia dracunculus), ici seulement proposé en alternative, pour laquelle l’hypothèse de Benjamin Guérard (grand absent de ce travail, malgré son commentaire fondamental dans la Bibliothèque de l’École des chartes, XIV, 1853, p. 548-557) optait pour la serpentaire (arum dracunculus). ...."