Champignons. Plus près des animaux ou des plantes ?
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Champignons. Plus près des animaux ou des plantes ?
Ils sont plus près des animaux.
Certains sont des parasites (et quelques-uns zombifient un insecte),
et ils sont pour nous et nos cultures une menace sourde.
Mais pas que…
Certains sont des parasites (et quelques-uns zombifient un insecte),
et ils sont pour nous et nos cultures une menace sourde.
Mais pas que…
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Re: Champignons. Plus près des animaux ou des plantes ?
Merci à Libé pour cet interview documenté.
Accueil / Environnement / Biodiversité
Interview : Beaucoup de champignons parasites sont «à la fois Dr Jekyll et Mr Hyde»
La biologiste au CNRS Audrey Dussutour alerte sur la menace fongique mondiale, mal prise en compte, aggravée par le commerce international et le réchauffement climatique. Ces parasites, souvent invisibles, sont responsables de plus de morts que la tuberculose ou le paludisme… tout en étant une piste potentielle pour lutter contre ce dernier.
ParCoralie SchaubPhoto impressionnante (non publiée ici mais sur le site de Libé)
Libellule morte infectée par le champignon «Ophiocordyceps odonatae», à Madagascar. (Jean-Yves Grospas/Biosphoto. AFP)
Publié aujourd'hui à 7h00
C’est un livre qui se dévore, tant il émerveille et terrifie à la fois. Dans les Champignons de l’apocalypse (Grasset, 368 p., 23 euros), la biologiste Audrey Dussutour, directrice de recherche au CNRS, dévoile les mille et un secrets des champignons pathogènes, qui parasitent les êtres vivants et se nourrissent de leurs tissus. Les humains n’y échappent pas et ils en meurent par millions chaque année… tout en favorisant leur prolifération via le commerce international, la déforestation ou le changement climatique, avertit la chercheuse dans un entretien à Libération.
Pourquoi vous êtes-vous intéressée aux champignons parasites, vous qui êtes spécialiste des fourmis et du blob ?
J’ai accueilli dans mon laboratoire une étudiante qui travaillait sur la manipulation du comportement des fourmis par les champignons. Certains, comme Pandora ou Ophiocordyceps, celui qui a inspiré la série The Last of Us, s’infiltrent à l’intérieur des individus de leur espèce de fourmis «cible» et les transforment en zombies en prenant le contrôle de leur système nerveux. Le but : les guider vers le lieu idéal pour propager leurs spores en jaillissant du corps de leur victime. Un vrai film d’horreur, que j’ai évoqué dans mon précédent livre.
Il y avait matière à élargir le sujet à l’ensemble des champignons pathogènes dans un nouvel ouvrage de vulgarisation scientifique. A ma connaissance, il n’en existait pas, contrairement à ceux sur les espèces comestibles ou mycorhiziennes, qui vivent en partenariat avec les racines des plantes.
Qui sont donc ces champignons parasites ?
Ils représentent 30 % de toutes les espèces de champignons, dont seulement 150 000 ont été décrites alors qu’il en existerait environ 5 millions d’espèces. Mais toutes, y compris les cèpes ou les girolles, descendent d’anciens parasites marins ! Sachez aussi que les champignons sont plus proches des animaux que des plantes. Ils sont nos proches cousins, puisque nous partageons 50 % de notre ADN avec eux. Et oubliez l’image du bolet avec son pied et son chapeau, ce n’est que le «fruit» qui porte les spores de certaines espèces. La plupart sont invisibles, dissimulés sous terre, dans le bois mort, les cadavres… ou dans les organismes vivants, qu’ils peuvent parasiter.
Ils s’attaquent à tous les êtres vivants ?
Tous ! Des algues microscopiques aux humains, en passant par d’autres champignons. Tout y passe, même les blobs. Et pour cela, ils ont des superpouvoirs. Ils échappent aux systèmes immunitaires de leurs hôtes en se déguisant, en modifiant leur forme ou en produisant des toxines. Ils manipulent leurs victimes pour faciliter leur reproduction, on l’a vu avec les fourmis zombifiées. Certains peuvent communiquer avec leurs congénères et coordonner des attaques collectives…
Cela se traduit comment, pour nous les humains ?
Certains champignons vivent avec nous tout le temps, en harmonie. Un humain en bonne santé en abrite 80 variétés sur son talon, 60 sur ses ongles de pieds, 40 entre ses orteils, 30 sur les bras et dix sur la tête. Par ailleurs, les champignons ont sauvé des millions de personnes grâce aux antibiotiques qu’ils produisent naturellement, comme la pénicilline.
Sur la myriade d’espèces existantes, seules 600 ont percé nos défenses immunitaires pour nous infecter. Une cinquantaine s’est spécialisée dans le grignotage de notre épiderme et est responsable des mycoses superficielles (pied d’athlète, mycoses des ongles, teigne de la peau, du cuir chevelu ou de l’aine…). D’autres habitent nos muqueuses buccales et génitales, comme les levures Candida. Un colocataire qui peut vriller : 75 % des femmes sont touchées par une candidose vaginale au moins une fois dans leur vie. Ces infections, bien que désagréables, sont le plus souvent bénignes. Mais quand notre système immunitaire est affaibli (patients atteints de cancers ou de VIH, greffés…), les choses se corsent. Candida est alors capable de pénétrer dans le sang et d’être mortel.
D’autres espèces peuvent aussi profiter de nos défenses en berne ?
Oui, les champignons parasites sont de grands opportunistes. Même ceux qui ne sont pas spécialistes de l’humain, par exemple les moisissures que l’on trouve dans la nature, peuvent nous infecter s’ils trouvent une faille dans nos défenses. C’est le cas des Aspergillus, les plus redoutables pour nous. Cette famille de 200 espèces est partout, du sol de nos jardins à la Station spatiale internationale, elle fournit l’acide citrique de nos sodas, la lovastatine qui combat le cholestérol ou la sauce soja. Nous en respirons environ 200 spores par jour. Normalement, nos défenses immunitaires les détruisent. Mais quand elles sont défaillantes, plus rien n’empêche l’aspergillose invasive, dont l’issue peut être fatale. Les infections fongiques invasives touchent environ 150 millions de personnes par an et emportent 3,8 millions de vies, l’équivalent d’une ville comme Rome et de 6,8 % des décès mondiaux, plus que la tuberculose ou le paludisme.
Ce chiffre est fou !
Et encore, il est sans doute sous-estimé. Car ces tueurs opèrent dans l’ombre et profitent paradoxalement des avancées de la médecine. Les traitements contre le cancer, le VIH ou l’arthrite rhumatoïde affaiblissant le système immunitaire, certains décès peuvent être attribués à un cancer, par exemple, alors que la cause directe est une infection fongique.
Heureusement, l’ergotisme ne fait plus de ravages…
Oui, cette maladie causée par la consommation de seigle contaminé par Claviceps purpurea, aussi appelé ergot, est l’intoxication la plus dévastatrice de l’histoire humaine. Elle a tué ou amputé des millions de gens. Sa forme convulsive a par exemple donné lieu à l’épidémie dansante de 1518, à Strasbourg, racontée par l’écrivain Jean Teulé, dans Entrez dans la danse. En France, le dernier cas remonte à 1951, dans le Gard, où des centaines de personnes ont souffert d’hallucinations, certaines hurlant de terreur, d’autres se jetant par les fenêtres. La forme gangréneuse, elle, a semé la terreur dans l’Europe médiévale. L’ergotisme aurait même joué un rôle dans la victoire des Alliés en décimant l’armée allemande sur le front russe en 1944. Aujourd’hui, la maladie est contenue grâce à la prévention agricole et aux contrôles alimentaires. Et Claviceps purpurea est même une mine d’or pour les pharmacologues.
Vraiment ?
Son effet vasoconstricteur, qui privait d’oxygène doigts et membres au Moyen-Age, sert à soigner les migraines. Question de dosage. Ce champignon est aussi utilisé pour contrôler les hémorragies post-accouchement, mérites qu’Hippocrate avait déjà vantés vers 370 avant J.-C. Et le LSD, synthétisé à partir d’un alcaloïde de l’ergot, fait l’objet de nouvelles recherches pour ses effets bénéfiques sur l’anxiété, la dépression, les troubles alimentaires et les addictions. En fait, Claviceps est à la fois un Dr Jekyll et un Mr Hyde.
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Comme beaucoup de ses congénères parasites, non ?
Tout à fait. Botrytis cinerea, responsable de la «pourriture grise» qui s’en prend à nos fruits et légumes, est aussi celui qui donne au sauternes ses arômes uniques. Les Trichoderma, eux, nous aident à lutter contre d’autres champignons, dont Botrytis, qui ravagent nos tomates, ou même à délaver les jeans sans recourir aux produits chimiques… mais ils peuvent aussi détruire les cultures de champignons de Paris.
Certaines espèces parasites nous fournissent des trésors gastronomiques et nutritionnels. Comme le caviar aztèque (du maïs noirci par un champignon), le champignon homard (deux en un, l’un, immangeable, étant attaqué par l’autre, qui le transforme en délice) ou le «champignon chenille» (le premier parasitant la seconde), un incontournable de la pharmacopée chinoise surnommé le «viagra de l’Himalaya», dont le prix dépasse celui de l’or. Quant à Metarhizium, vendu dans le monde entier pour lutter contre les insectes nuisibles, il pourrait être une piste contre la malaria en infectant les moustiques qui portent le parasite unicellulaire responsable de cette maladie. Mais gare à ce que ce champignon, dont les spores peuvent voyager sur de longues distances, ne s’attaque à des insectes non ciblés…
Vous mettez en garde contre l’impact du commerce international dans la propagation des champignons parasites…
Oui, l’un des exemples les plus flagrants de son rôle dans les catastrophes fongiques est la disparition en quelques décennies du châtaignier américain, qui représentait un arbre sur quatre au début du XXe siècle aux Etats-Unis. Il a été exterminé par un champignon accidentellement introduit via l’importation… de châtaigniers japonais. C’est si absurde et stupide. Le fléau qui tue les platanes du canal du Midi, lui, est arrivé en France dans des caisses de munitions américaines pendant la Seconde Guerre mondiale.
Des millions de grenouilles ou de chauve-souris ont succombé à des champignons que nous avons transportés d’un continent à l’autre. L’un d’eux a anéanti la délicieuse banane «Gros Michel», qui régnait sur le marché mondial jusqu’aux années 1950, favorisé, aussi, par la monoculture intensive qui rend les cultures vulnérables aux parasites. Et voici que sa remplaçante, la banane Cavendish, est elle aussi menacée par une nouvelle souche du même champignon, aidée par le fret international et les monocultures. Nous avons une fâcheuse tendance à répéter nos erreurs.
En faisons-nous d’autres, qui profitent aux champignons parasites ?
Hélas, oui. Nous abattons les forêts, faisant disparaître leurs hôtes naturels comme leurs prédateurs. Nos fongicides utilisés en agriculture sont des armes à double tranchant, car les champignons développent des résistances… alors que ces molécules sont aussi utilisées en médecine, notamment contre Aspergillus. Résultat, l’aspergillose résistante aux antifongiques menace des millions de personnes immunodéprimées. Quant au réchauffement climatique, il permet déjà à certains champignons jusqu’ici inoffensifs de s’adapter à des températures plus élevées, comme celle de nos corps, élargissant le spectre des espèces capables de nous infecter.
Une pandémie dévastatrice causée par un champignon qui nous transformerait en zombies, c’est de la science-fiction ?
Pour l’instant, oui, la probabilité pour qu’un scénario à la Last of Us nous arrive est de zéro. Déjà, je ne vois pas quel intérêt un champignon aurait à manipuler notre comportement : il le fait juste avec la fourmi pour qu’elle aille dehors et qu’il puisse germer. Ensuite, on ne risque pas de pandémie comme celle du Covid car les champignons se transmettent rarement d’humain à humain.
Mais avec ce livre, j’ai tout de même voulu alerter sur les risques croissants liés aux champignons pathogènes. Candida auris, une espèce résistante aux antifongiques et aux produits de nettoyage, peut survivre sur la peau et les surfaces inertes pendant quinze jours, ce qui nous expose à une contamination par contact humain. Et on peut imaginer qu’il y aura de plus en plus d’infections fongiques dans les hôpitaux. Une vigilance accrue et des mesures s’imposent, à tous les niveaux. Collectivement, il faut encadrer le commerce international, éviter les monocultures, développer la recherche sur ces champignons, réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et chacun de nous peut, par exemple, acheter des plantes endémiques plutôt que celles venues du bout du monde.