Verdir l’agriculture

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Claude
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Verdir l’agriculture

Message par Claude » 13 oct. 2020, 03:51

Un obstacle au verdissement de la PAC. Article du Monde.
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ÉCONOMIE
DISTRIBUTION / AGROALIMENTAIRE

Le lobby agricole lutte contre un verdissement de la PAC

Selon l’ONG Corporate Europe Observatory, l’un des plus anciens lobbys bruxellois, le COPA-Cogeca tente de contrer les velléités de verdissement de la politique agricole commune, en pleine réforme.

Par Cédric Vallet Publié hier à 06h00, mis à jour hier à 08h24
Temps de Lecture 3 min.

………

A mesure que le vote au Parlement européen sur la réforme de la politique agricole commune (PAC), prévu lors de la semaine du 19 octobre, se rapproche, le lobbying du COPA-Cogeca – comité des organisations professionnelles agricoles européennes – se fait plus intense. Dans une lettre adressée aux eurodéputés, datée du 2 octobre, l’organisation présidée par Christiane Lambert, patronne de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), demande que les futurs « écorégimes », censés inciter les agriculteurs à adopter des mesures environnementales, ne représentent pas plus de 20 % des aides directes versées au titre de la PAC, alors que plusieurs groupes au Parlement – de la gauche jusqu’au centre droit – réclament que ce taux soit compris entre 30 % et 50 %.

« Le COPA-Cogeca se bat pour préserver un statu quo », regrette Nina Holland, membre de l’ONG Corporate Observatory (CEO), spécialisée dans l’analyse de l’influence des lobbys à Bruxelles. La bataille de la fédération des syndicats agricoles pour réduire les ambitions de verdissement de la PAC est au cœur du dernier rapport de l’ONG – fondé sur des demandes d’accès à l’information, des comptes rendus de réunions, des communications officielles –, publié lundi 12 octobre.

Un évènement majeur a provoqué une collision avec l’agenda de la réforme de la PAC, présentée, en 2018, par la précédente Commission, alors présidé par Jean-Claude Juncker, et a déclenché une forte mobilisation du COPA-Cogeca et de ses organisations membres. Il s’agit de l’annonce, en mai, par la nouvelle Commission présidée par Ursula von der Leyen, de deux stratégies dans le cadre du « Green Deal » : celle « de la ferme à la table » et celle favorisant la « biodiversité ».

Un écho auprès de certains députés

En proposant de réduire de 50 % l’utilisation et la production de pesticides à l’horizon 2030, de réserver le quart des terres cultivables à l’agriculture biologique et de requalifier 10 % des terres agricoles à « haute diversité biologique » (mares, bandes tampons, haies etc.), l’exécutif européen a marqué les esprits. Or, le rapport de CEO montre que le COPA-Cogeca et certains autres groupes, comme l’industrie des pesticides (ECPA), œuvrent pour éviter de lier l’actuelle réforme de la PAC aux nouvelles orientations politiques, ce qui impliquerait un surcroît de verdissement.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La Commission européenne dévoile des feuilles de route ambitieuses pour la biodiversité et l’alimentation

Pendant la crise liée au Covid-19, le COPA-Cogeca a ardemment plaidé pour un vote rapide sur la PAC et un report de ces stratégies, trouvant un écho auprès de certains députés traditionnellement proches de ses positions, comme l’Allemand Norbert Lins (Parti populaire européen), qui préside la commission agriculture du Parlement bruxellois.

« Nous partageons les objectifs généraux du “Green Deal”, affirme pourtant Pekka Pesonen, secrétaire général du COPA-Cogeca. Mais les stratégies n’en sont qu’aux premières étapes. Avant de décider d’objectifs chiffrés, il faudrait expliquer comment on les atteint. » Or, au sein de l’Hémicycle européen, ils sont nombreux à estimer que « la PAC crée des liens avec ces stratégies pour accompagner la transition le plus vite possible », comme le confie une source parlementaire.

« Un réseau efficace »

Selon Benoît Biteau, député écologiste au Parlement européen, « le COPA-Cogeca a une influence réelle sur la direction générale agriculture de la Commission et sur une partie des députés, surtout sur l’aile droite, qui reprend ses éléments de langage. » A Bruxelles, la structuration des intérêts agricoles est presque aussi ancienne que les institutions. « Le COPA-Cogeca a l’avantage de la longévité. Il a créé un réseau de lobbying formel et informel assez efficace », explique Carine Germond, professeure d’études européennes à l’Université norvégienne de science et de technologie.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Climat, agriculture, transports… Le « green deal » tous azimuts de la Commission européenne

En 1958, le COPA est créé, avec l’appui de la Commission, pour fédérer les syndicats nationaux d’agriculteurs. En 1959, les coopératives agricoles s’unissent au sein de la Cogeca. Les deux structures fusionnent en 1962. C’est aujourd’hui un réseau complexe d’acteurs agricoles aux intérêts parfois divergents – entre gros et petits producteurs, entre céréaliers et éleveurs, entre agriculteurs et coopératives, dont certaines sont parfois devenues de gros acteurs industriels eux-mêmes engagés dans la vente de pesticides.

Pour Carine Germond, avec l’émergence d’ONG écologistes et d’autres syndicats agricoles, l’influence du lobby s’est érodée, « mais elle reste bien réelle ». On le voit, par exemple, au sein des « groupes de dialogue civil » créés par la Commission européenne pour échanger sur la PAC, où le COPA-Cogeca est majoritairement représenté. Or, ces groupes sont essentiels en amont, et en aval, de la production législative communautaire.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Les agriculteurs doivent suivre une autre voie que celle de l’agriculture intensive »

Ce lien fort entre le groupe de pression et les institutions se traduit aussi par un accès privilégié au conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne, au sein duquel l’organisation est régulièrement conviée. Ces contacts sont démultipliés par « les syndicats nationaux qui ont souvent une influence forte sur les ministères de l’agriculture », rapporte une source au Parlement.

Cédric Vallet(Bruxelles, correspondance)

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Re: Verdir l’agriculture

Message par Claude » 21 oct. 2020, 09:37

Je mettrai en forme + tard.

DÉCRYPTAGE ABONNÉS
Agriculture : jusqu’où faut-il relocaliser la production ?

Par Pierre Carrey et Coralie Schaub — 21 octobre 2020 à 06:26
Dans une cantine scolaire a l’alimentation 100% bio et locale, à Mouans-Sartoux.
Dans une cantine scolaire a l’alimentation 100% bio et locale, à Mouans-Sartoux. Photo Laurent Carré pour Libération


Alors que les négociations sur l'avenir de la politique agricole commune européenne se poursuivent à Bruxelles cette semaine, la question de la souveraineté alimentaire est devenue centrale dans les débats, après la pandémie de la Covid-19.

Agriculture : jusqu’où faut-il relocaliser la production ?
Les gouvernements et acteurs du monde paysan pensent avoir trouvé la formule pour sauver tout à la fois l’agriculture, les conditions de vie des agriculteurs, l’alimentation et l’environnement : la «souveraineté». Tous emploient maintenant le mot magique, que ce soient les ONG comme Greenpeace, les dirigeants des Etats ou la FNSEA, le syndicat français productiviste. La crise du Covid-19 a en effet poussé beaucoup à s’interroger sur de possibles pénuries, la France important par exemple 50% de ses fruits et légumes. L’Union européenne, elle-même, achète de nombreuses denrées provenant d’autres continents, au gré des traités de libre-échange. Ce débat sur la souveraineté est au cœur des intenses négociations sur la nouvelle politique agricole commune (PAC) 2021-2027 qui agitent, cette semaine, le Parlement européen, et qui doit encore être approuvé par les Etats et la Commission européenne avant son entrée en application en 2023.

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Politique agricole commune : «Tant que la cloche n’a pas sonné, le combat continue»

Benoît Biteau, eurodéputé EE-LV et paysan de métier, s’étrangle : «La FNSEA confond la souveraineté et la sécurité alimentaire. Elle part d’un calcul : il faut 2 000 calories par jour et nous sommes 9 milliards d’êtres humains. Les agriculteurs industriels estiment que ces calories doivent être produites au Nord pour nourrir les populations au Sud.» Une logique néolibérale qui s’oppose au projet de Via Campesina, le mouvement altermondialiste des petits et moyens paysans, qui porte la souveraineté depuis les années 90 en la définissant comme «le droit des populations, de leurs Etats ou unions à définir leur politique agricole et alimentaire, sans dumping vis-à-vis des pays tiers».

Relocaliser, mais à quelle échelle ?
L’Union européenne s’est inspirée de l’Union soviétique pour construire son système agricole. Dans les années 60, la Communauté économique européenne implante ainsi son blé en France, ses cochons en Allemagne… Une organisation très spécialisée, censée assurer la sécurité alimentaire du continent et permettre de peser dans les échanges internationaux.

Sauf qu’après la Seconde Guerre mondiale, «en contrepartie du plan Marshall puis de la création de la PAC, l’Europe a accepté d’importer des tonnes de soja américain sans taxes, et a construit des usines à poulets, à cochons et à lait sur toute la façade atlantique», rappelle l’ex-eurodéputé vert José Bové. Et d’enchaîner : «Puis, en 1992, ont été conclus les accords de Blair House : l’Europe des Douze accepte de limiter sa production de protéines végétales à 5 millions d’hectares, ce qui est toujours le cas aujourd’hui à vingt-sept ! Et on s’apprête à graver cette situation dans le marbre dans la prochaine PAC. C’est une atteinte invraisemblable à notre souveraineté alimentaire.»

Faut-il déspécialiser l’agriculture sur le continent ? Revenir à l’échelle des Etats voire des régions ? Le gouvernement français appelle à une «souveraineté» renforcée dans l’Hexagone, afin de n’être «pas dépendant de facteurs qu’[on] ne maîtrise pas pour se nourrir», précise Julien Denormandie à l’Opinion. Ce qui consisterait, par exemple, à produire nos propres tourteaux de soja pour l’élevage au lieu d’en importer massivement du Brésil.

Exemple d’une mise en pratique concrète, la Bretagne préfère concevoir la souveraineté à l’échelle régionale. Son président Loïg Chesnais-Girard (PS) a fait adopter, en juillet, un rapport qui entend favoriser un modèle d'«exploitations familiales, agroécologiques et compétitives». L’institution se propose de gérer elle-même l’enveloppe de 500 millions d’euros que la PAC alloue à ses exploitants chaque année. Elle imagine un meilleur «système redistributif» : les aides seraient plafonnées et les «petites exploitations» seraient davantage aidées.

L’échelon de la région, voire de l’eurorégion, est-il vraiment le meilleur pour une politique agricole plus rémunératrice et plus écolo ? «Des mesures plus régionales peuvent protéger les systèmes les plus vulnérables aux politiques de libre-échange», assure Fabrice Etilé, de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et de l’Ecole économique de Paris. L’économiste pointe malgré cela un écueil majeur : les aléas naturels peuvent, une année, décimer la production d’un même territoire et ainsi mettre à mal la survie d’une filière qui en dépend. «La PAC a aussi été conçue pour assurer la sécurité alimentaire en Europe», souligne-t-il.

Relocaliser, est-ce viable économiquement ?
Marchés alimentaires, paniers paysans, référencement en grandes surfaces de producteurs locaux… La première vague de la Covid-19 a réhabilité les circuits courts (définis comme ne comprenant pas plus de trois acteurs économiques sur la chaîne). Mais les réticences de la vieille garde persistent. Les produits locaux restent très minoritaires dans les supermarchés qui ont réintroduit des denrées hors UE dès qu’ils l’ont pu. L’Association permanente des chambres d’agriculture (APCA), proche de la FNSEA, propose d’encourager les aliments français par un étiquetage obligatoire mais refuse la généralisation des circuits courts au nom de la logique libérale : certaines denrées produites ou transformées en France seraient «trop» chères pour le consommateur.

Un levier économique colossal reste aussi sous-exploité : les cantines. Le marché représente pourtant plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, public et privé confondus. L’APCA suggère alors de créer un «critère de proximité» dans les appels d’offres pour la restauration collective, une pratique pour l’instant non autorisée. Ce serait une avancée car, pour l’heure, il n’existe pas de subventions européennes pour des «projets alimentaires territoriaux», y compris en vente directe. Ironie : un producteur de tomates destinées à l’industrie du ketchup est actuellement éligible aux aides européennes mais pas un maraîcher qui voudrait livrer ses légumes aux cuisines centrales de l’hôpital voisin…

Relocaliser, est-ce forcément plus écolo ?
«Relocaliser, c’est nécessaire mais pas suffisant, avertit Mathieu Courgeau, président de la plateforme Pour une autre PAC, composée de 43 associations et ONG françaises environnementalistes et paysannes. Parce qu’on peut faire de la souveraineté sans faire d’environnement. C’est le cas de l’industrie agroalimentaire et de la FNSEA.» Greenpeace le pointe aussi dans un rapport publié le 16 octobre : «Manger un avocat bio cultivé au Pérou, et transporté jusqu’en Europe de manière économe en énergie, peut se révéler moins nocif pour l’environnement que consommer du bœuf provenant d’un élevage intensif au coin de sa rue.»

Il ne s’agit donc pas d’opposer «le local» et «les pratiques agroécologiques», mais de les additionner. Exit, en particulier, l’industrialisation de l’élevage et les cultures vouées à devenir des agrocarburants (environ 60% de l’huile de colza utilisé dans l’UE est ainsi brûlé). «La résilience de la production alimentaire européenne passera nécessairement par la réduction des ressources et des terres arables allouées à nourrir les animaux d’élevage et à produire des carburants», insiste Greenpeace.

Pour encourager les agriculteurs et les entreprises à modifier leurs pratiques, pas le choix, estime Mathieu Courgeau : «Il faut que la PAC change, que les 9 milliards d’euros par an qu’elle verse à la France soient bien orientés vers une transition agroécologique. La PAC est tellement structurante… Les initiatives locales ne suffiront pas.»

A LIRE AUSSI
Quel cap pour la PAC ?

Pour l’heure, on en est loin. «Malgré les milliards d’euros distribués, la PAC 2015-2020 ne comporte ni d’injonction ni d’incitation suffisantes à l’évolution du modèle agro-industriel dominant vers une agriculture paysanne, respectueuse de l’environnement et du bien-être animal, déplore Pour une autre PAC. Pire, en continuant à attribuer un financement généreux aux exploitations agricoles non durables, elle les invite directement à maintenir leurs pratiques néfastes pour la biodiversité, la qualité de l’air, de l’eau et des sols.» La plateforme propose de consacrer au moins 50% du budget de la nouvelle PAC «aux défis environnementaux et climatiques», via la conversion à l’agriculture biologique et les paiements pour «services environnementaux» (préservation de l’eau, des haies, élevage animal non intensif etc.).

Relocaliser chez nous, c’est aussi bon pour les pays du Sud.
Même si les subventions à l’exportation sont interdites dans le monde depuis 2015, la politique européenne actuelle favorise de facto l’exportation massive et à bas prix de produits vers les pays du Sud. Parfois, pour le pire. La suppression des quotas sur le lait et le sucre a ainsi mené à leur surproduction en Europe, donc à une chute des prix. Ce qui rendu difficile voire quasi impossible pour les éleveurs laitiers européens de vivre de leur travail. Et le dumping, sur les marchés ouest-africains, de poudre de lait européenne réengraissée à l’huile de palme, fait des ravages. Ce faux lait «coûte jusqu’à 30% moins cher que le lait local, envahit et étouffe la filière locale et les éleveurs africains», dénoncent plusieurs ONG – dont SOS Faim, Oxfam-Solidarité ou le Comité français pour la solidarité internationale – dans une campagne lancée en 2019.

Le continent africain est aussi un marché important pour les céréales européennes. «L’Afrique du Nord aurait importé à elle seule environ 40% des exportations de blé de l’UE en 2018-2019, et ce pourcentage s’élèverait à plus d’un quart pour les pays d’Afrique subsaharienne», estime l’Atlas de la PAC 2019, publié par la plateforme Pour une autre PAC et la fondation Heinrich-Böll. Des importations qui, au sud du Sahara, font concurrence aux produits locaux tels que le mil, le manioc ou l’igname.

Relocaliser notre agriculture et ne plus inonder les marchés mondiaux de productions à prix cassés permettrait aux pays du Sud de développer leurs propres filières. Et, en Europe, ne signifierait pas pour autant un repli sur soi. «On pourra continuer à exporter, par exemple du vin ou des produits sous appellation d’origine qu’on ne peut pas produire ailleurs, rassure José Bové. Mais il s’agit de s’affranchir de la logique actuelle du marché forcé, contrôlé par une poignée d’acteurs, comme Cargill ou les grands groupes laitiers transnationaux. Et de sortir de la logique de la concurrence, de la compétition, pour lui préférer la coopération.»

Pierre Carrey , Coralie Schaub


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Re: Verdir l’agriculture

Message par Claude » 25 avr. 2021, 22:09

Une tribune très intéressante publiée dans Libé. Une réflexion à relier aux récentes catastrophes climatiques.

;)
Agir pour le Vivant : tribune

Climat : l’agriculture n’a d’autre choix qu’évoluer

Face au dérèglement climatique, l’agriculture française doit éviter la tentation du «dos rond» et comprendre l’urgence à adapter ses pratiques. Pour ne pas subir, elle doit changer de schémas de sélection végétale et de modes de culture.

……

publié le 24 avril 2021 à 16h31

Les vignes et arbres fruitiers gelés début avril doivent sonner la prise de conscience du monde agricole : le dérèglement climatique est sur lui, et s’enfermer dans le déni ne conduira qu’à pertes sur pertes. Précisons que ce gel d’avril n’est absolument pas inhabituel. C’est le coup de chaud de mars qui l’était, et qui a provoqué un bourgeonnement précoce. En temps normal, les végétaux n’auraient pas été sensibles au gel ultérieur.

Mais ce coup de chaud prématuré n’est plus une anomalie exceptionnelle, compensable par des aides ponctuelles. Cette situation se reproduit de plus en plus, le climat change concrètement. Les agriculteurs commencent à le comprendre, mais ne sont pas toujours imités par ceux qui les encadrent et qui auraient dû l’anticiper : coopératives, sélectionneurs, chambres d’agriculture, banques. Dans le monde d’hier, il était possible de voir les dégâts de l’alternance chaud-froid comme un incident, et de demander des aides d’urgence. Dans le monde de demain, une telle passivité ne conduira qu’à ruiner les agriculteurs et l’Etat. Il est inutile de regretter le bon vieux temps disparu et d’espérer en vain son retour l’an prochain.

Des changements importants que les agriculteurs ne peuvent pas engager seuls

Ne soyons pas dupes : l’agriculture est autant un bourreau du climat qu’une de ses premières victimes. Un cinquième des contributions françaises à l’augmentation de l’effet de serre vient de l’agriculture, dont la moitié (soit 10 % du total français) des engrais azotés minéraux. Refuser de regarder cette réalité en face, refuser de remplacer l’azote minéral par des légumineuses et de l’intégration cultures-élevage, est un comportement insoutenable à l’égard de l’humanité et de la planète. Ce remplacement implique des changements importants que les agriculteurs ne peuvent pas engager seuls, il exige des politiques publiques incitatives et un accompagnement technique, hélas absents du plan climat et de la Politique agricole commune.

L’agriculture est aussi une victime. Les cultures annuelles actuelles ne savent plus résister à des périodes de sécheresse, car elles sont issues de quatre-vingt ans d’une sélection irriguée, où les lignées n’ont jamais été soumises à la moindre «pression de sélection» en matière de stress hydrique. Réclamer une irrigation massive est une absurdité agronomique et écologique, basée sur un déni suicidaire qui conduira les agriculteurs à la ruine. Deux solutions s’inscrivent dans le monde réel : stocker l’eau dans les sols et modifier les schémas de sélection. Des plantes soumises au stress hydrique acquièrent en quelques années une capacité à résister à des périodes de sécheresse, comme l’a prouvé Agrobio Périgord avec ses maïs-populations. De la même manière, des plantes qui co-évoluent avec leur milieu évitent de fleurir ou de germer trop tôt, là où les plantes conçues par des modèles génétiques théoriques nécessitent une stabilité culturale qui n’existe plus. Les vieux modèles de sélection sont morts en même temps que le fantasme d’une planète stable et maîtrisée par l’humain.

Révolutionner les schémas de sélection sans attendre

Des sols riches en matière organique et libérés des engrais et pesticides (qui détruisent leur vie microbienne) sont capables de stocker d’énormes quantités d’eau dans leur «réserve utile». Les mêmes techniques permettent d’améliorer l’infiltration de l’eau, d’augmenter la matière organique qui piège le carbone et l’eau, et de limiter le recours aux engrais azotés minéraux. Ce sont des rotations plus diversifiées (successions de cultures), des cultures associées (plusieurs plantes simultanément, si possible avec des arbres ou des haies), l’implantation plus fréquente de légumineuses, la réduction drastique des pesticides, la reconstitution d’écosystèmes. Ces techniques sont celles de l’agroécologie paysanne, dont la forme la plus aboutie est l’agriculture biologique.

Bien sûr, les arbres fruitiers et les vignes sont plus longs à transformer car les cultures pérennes ne se changent pas du jour au lendemain. Raison de plus pour révolutionner les schémas de sélection sans attendre, pour autoriser des modifications de cépages, pour aider à rentabiliser une diversification des cultures dans les territoires de façon à recréer des mosaïques végétales (arbres, vignes, prairies, cultures).

L’agriculture française a le choix : elle peut faire comme si les évolutions climatiques étaient des accidents, réclamer des indemnisations, et s’effondrer. Elle peut aussi regarder en face la nouvelle réalité climatique, promouvoir la sélection paysanne adaptative et les techniques de l’agriculture biologique, stocker l’eau dans des sols vivants, diversifier les cultures. Ce ne sera pas facile, mais ne rien faire sera infiniment plus violent pour le monde paysan.


Et aussi…

En attendant le prochain festival d’Agir pour le Vivant, qui se tiendra à Paris du 3 au 6 juin autour du thème de la ville, et le rendez-vous à Arles fin août sur le thème des territoires, la rédaction de Libération en partenariat avec les éditions Actes Sud propose à ses lecteurs tribunes, interviews et éclairages, ainsi qu’une sélection d’articles sur le thème de la biodiversité.
À retrouver ici.
Pour profiter du lien (souligné), allez sur le site : https://www.liberation.fr/plus/climat-l ... ET6BAKP3U/

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Re: Verdir l’agriculture

Message par Plumix » 26 avr. 2021, 07:19

Ca alors, c'est une découverte! :oops:

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Re: Verdir l’agriculture

Message par Claude » 24 mai 2021, 00:15

Des expérimentations.
Un article publié par Le Monde. Me dire si interessé(e).
.
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Re: Verdir l’agriculture

Message par Claude » 08 août 2021, 10:26

Le site Météo Agricole signale ceci :
.
http://agriculture-de-conservation.com/ ... usson.html

Il doit s’y trouver des ressources. Pas eu le temps de sonder la chose……… semblerait que le ver de terre :P y soit la grande star.

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Re: Verdir l’agriculture

Message par Claude » 15 sept. 2021, 22:40

Portrait de cultivateurs remarqués par Le Monde : https://www.lemonde.fr/planete/article/ ... _3244.html

plumee
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Re: Verdir l’agriculture

Message par plumee » 24 nov. 2021, 18:07

La ferme sauvage de fifille et gendre à Ege.

https://lafermedugrandlaval.wordpress.c ... randlaval/

Marie_May
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Re: Verdir l’agriculture

Message par Marie_May » 26 nov. 2021, 19:21

Je cite le site des enfants d'Ege :
Nous avons récupéré les toiles tissées à l’endroit où Juliette et Guillaume ont cultivé leurs courges cette année, pour y planter des rhubarbes. La première étape est d’amender avec le riche fumier de poules!


Question : de quelles toiles s'agit-il ? Pourquoi mettent-ils des toiles sous ou sur les rhubarbes ?

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Re: Verdir l’agriculture

Message par Claude » 18 août 2022, 23:15

Tribune publiée par Libé :

TRIBUNE

Agriculture: une meilleure gestion de l’eau doit être encouragée
Article réservé aux abonnés

Pour mieux lutter contre les sécheresses et les inondations, il nous faut changer de politique agricole commune et notamment diversifier les cultures, alerte l’agronome Marc Dufumier. Les agriculteurs qui mettent en œuvre les bonnes pratiques devraient être rémunérés par les pouvoirs publics.

……… par Marc Dufumier, Professeur honoraire
publié le 18 août 2022 à 15h16

Nous étions avertis. Cela devait arriver. Mais nous ne nous y étions pas préparés. Nous savions qu’avec le réchauffement climatique global, des canicules et des sécheresses telles que celles subies de nos jours par les agriculteurs français allaient devenir de plus en plus intenses, et de plus en plus fréquentes. Mais le constat est accablant : rien n’a encore malheureusement été vraiment entrepris pour aider ces mêmes agriculteurs à y faire face, aux moindres coûts en termes monétaires et environnementaux. D’où le fait de voir brutalement apparaître aujourd’hui des conflits d’usage au sujet des ressources hydrauliques disponibles. Nous faut-il privilégier l’irrigation des cultures, l’abreuvement des animaux, le refroidissement des réacteurs de nos centrales nucléaires, les utilisations domestiques, le maintien de débits d’étiages suffisants au sein de nos canaux et cours d’eau, l’entretien de beaux tapis herbacés dans les golfs ?

L’agriculture est l’activité qui, en France, a encore le plus recours aux eaux autres que les seules eaux de pluie. Elle en emploie environ 43%, et cela principalement pour irriguer les cultures en plein été (1). Cette pratique apparaît, certes, comme une solution efficace pour éviter les pertes de rendement lors des périodes de grande sécheresse mais elle se révèle aussi bien souvent très coûteuse, du fait des investissements initiaux nécessaires pour sa mise en place (retenues collinaires, bassines, stations de pompage, systèmes de gouttes à gouttes, etc.). Et elle se trouve, à juste titre, de plus en plus souvent dénoncée quand elle contribue à l’abaissement exagéré des nappes phréatiques, à l’assèchement des rivières, et à des restrictions imposées à d’autres utilisateurs potentiels.

Force nous est pourtant de reconnaître qu’il existe d’ores et déjà des techniques agricoles qui permettraient aux agriculteurs de s’assurer des revenus résilients sans avoir nécessairement recours à l’irrigation. Il s’agirait bien sûr en premier lieu de cultiver des espèces et variétés plus tolérantes à d’éventuels manques d’eau. Ainsi voit-on des paysans substituer progressivement la culture de sorgho à celle du maïs, car ils savent qu’elle est bien moins sensible que cette dernière aux stress hydriques lors de la floraison. Mais il serait aussi aisément possible de ne pas semer que des cultures d’été dont la croissance et le développement interviennent lors des périodes de moindre pluviométrie. La diversification des cultures avec des plantes dont les dates de semis et de récoltes interviennent à des périodes différentes de l’année a d’ailleurs aussi pour avantage de faire en sorte qu’elles ne soient pas toutes pareillement affectées par les accidents climatiques extrêmes (canicules, sécheresses, mais aussi : grêles, gelées, inondations, etc.). Ne pas mettre tous les œufs dans le même panier.

Emmagasiner les eaux de pluies dans les sols

Eviter le recours à l’irrigation présuppose que l’on soit à même de gérer au mieux les eaux de pluie, à savoir celles qui nous sont offertes gratuitement, mais dont on sait que leur répartition dans l’espace et dans le temps va devenir de plus en plus chaotique. L’idée est de faire en sorte que celles-ci puissent être le plus possible emmagasinées dans les sols afin d’être disponibles pour les cultures lors des périodes de moindre pluviométrie. Il convient alors d’éviter son ruissellement à la surface des terrains et d’en favoriser au contraire l’infiltration dans les couches arables [couche superficielle du sol, ndlr]. D’où l’intérêt de mettre en place des haies champêtres et de maintenir un couvert végétal susceptible d’empêcher les petits filets d’eau de prendre du volume et de dévaler dans les pentes. Surtout, nous ne devons pas compacter les terrains afin de ne pas mettre en péril les vers de terre dont les galeries permettent à l’eau de pénétrer aisément dans les sols.

De façon à retenir l’eau ainsi infiltrée à hauteur des racines, afin qu’elles puissent être aisément absorbées par les plantes cultivées, il convient d’accroître le taux d’humus dans les couches arables. D’où l’importance qu’il y a d’y apporter de grandes quantités de matières organiques : fumiers, composts, fientes, crottins, etc. Cela correspond également à une étroite association de l’agriculture et de l’élevage, à l’opposé de la spécialisation actuelle de nos agricultures régionales. Nous retrouvons par exemple : un bassin parisien qui ne comporte quasiment plus aucun troupeau, et une Bretagne où des animaux en surnombre ne se reposent même plus sur de la paille et ne contribuent donc, plus à la production de fumier.

Remettre en œuvre des systèmes de polyculture

La nécessaire adaptation de notre agriculture aux dérèglements climatiques suppose donc que soient remis dorénavant en œuvre des systèmes de polyculture - élevage avec des rotations de cultures bien plus longues et des assolements bien plus diversifiés qu’aujourd’hui. A l’opposé des principes mêmes de l’agriculture industrielle qui incitent nos agriculteurs à spécialiser toujours davantage leurs systèmes de production. Au prix, il est vrai d’un travail plus important.

Mais la bonne nouvelle est que ce sont ces mêmes systèmes diversifiés qui peuvent aussi contribuer à l’atténuation du dérèglement climatique avec de moindres émissions de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, protoxyde d’azote) et une séquestration accrue de carbone dans la biomasse et l’humus des sols. Les agriculteurs qui les mettent en œuvre devraient donc pouvoir être rémunérés par les pouvoirs publics pour ces services environnementaux d’intérêt général. Encore faudrait-il, pour ce faire, changer de politique agricole commune : ne plus accorder de subventions en proportion des surfaces exploitées et rémunérer plutôt le surcroît de travail qu’exigent les formes d’agricultures artisanales plus adaptées aux canicules, sécheresses et autres dérèglements climatiques. Qu’attendons-nous ?

(1) «La Consommation française domestique, industrielle et agricole», CNRS


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