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Claude
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Message par Claude » 23 janv. 2020, 08:43

Article publié par Libé. Ici sans les belles photos qui l’accompagnaient. ;)
Reportage concernant 2 États indiens : Sikkim et Andhra Pradesh.
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REPORTAGE

Inde : avec le bio, «c’est un vrai plaisir de travailler la terre»

Par Sébastien Farcis, envoyé spécial au Sikkim (Inde) — 15 janvier 2020 à 20:06
Photo

Dans l’Etat de Sikkim, qui a gagné le pari du zéro pesticide, l’agriculture naturelle satisfait paysans et pouvoirs locaux. Mais reste une exception dans un pays accro aux engrais chimiques.


La maison de Saatvik Rai émerge à peine derrière l’épaisse végétation de son champ. Dans les allées de cette petite exploitation vallonnée d’un hectare, les épis de maïs s’élèvent au-dessus de pousses de soja, alors que des plants de moutarde sortent de terre, juste en dessous. L’ensemble crée une forêt multicolore de différents étages - une production en trois dimensions qui décuple la productivité de ce champ coincé entre deux collines, pour le plus grand plaisir de l’agriculteur.

Cette intégration harmonieuse de différentes variétés est possible car Saatvik Rai ne disperse aucun engrais ou pesticide chimique, ce qui endommagerait certaines plantes et empêcherait le mélange. Et cela n’a rien d’exceptionnel, car nous sommes au Sikkim, un Etat indien de l’Himalaya qui a interdit depuis 2016 la vente ou l’utilisation de ces produits chimiques.

Mais cela n’a pas toujours été le cas. Saatvik Rai utilisait par le passé de l’engrais phytosanitaire. En 2003, le gouvernement régional commence à réduire les subventions offertes sur l’achat de ces intrants et l’agriculteur entame sa difficile «désintoxication». «Au début j’ai eu beaucoup de mal à m’adapter, confie ce paysan trapu. La terre ne répondait pas aux engrais biologiques et mes rendements ont chuté.» Il est donc obligé de ressortir les produits chimiques pour apaiser les «manques» du sol. «J’ai commencé à combiner les deux techniques et j’ai surtout mieux appris comment utiliser les engrais biologiques, grâce à des formations.» Au bout de quelques années difficiles, la transition réussit : il compose son fertilisant avec la bouse de ses vaches et une préparation fournie par le gouvernement. Son champ retrouve alors des couleurs naturelles. «Avant, avec les produits chimiques, la terre était très dure à labourer, explique-t-il, en se penchant pour ramasser une motte, qu’il casse avec la main. Maintenant c’est un plaisir de la travailler et mes rendements sont aussi bons, voire meilleurs qu’avant.»

La conversion du Sikkim à une agriculture entièrement biologique a donc mis du temps. L’idée a été lancée en 2003 par le chef du gouvernement régional, Pawan Chamling, et a été développée progressivement pendant douze ans. Finalement, en 2015, les 76 169 hectares de terres agricoles du Sikkim sont certifiés biologiques, selon les standards indiens et américains.

A vendor handles an apple at fruit stall in Gangtok, Sikkim, India, on Monday, May 2, 2016. Year-on-year growth in Asia's third-largest economy accelerated in the first three months of 2016 to 7.9 percent. Photographer: Prashanth Vishwanathan/Bloomberg via Getty ImagesA Gangtok le 2 mai 2016. Cette année-là, le Sikkim a interdit les produits chimiques. Photo Prashanth Vishwanathan. Bloomberg via Getty Images

Méthodes de culture traditionnelles

Ce petit Etat himalayen d’environ 650 000 habitants, situé à la frontière de la Chine et du Népal, partait avec un avantage : ses montagnes reçoivent des pluies abondantes, la terre est donc très riche et requiert peu d’engrais extérieurs. Son isolement géographique et politique - le Sikkim n’a intégré l’Union indienne qu’en 1975 - lui a également permis de conserver plus longtemps ses méthodes de culture traditionnelles. A l’aube des années 2000, le gouvernement régional décide donc de se débarrasser totalement des produits phytosanitaires. «Entre 2003 et 2010, nous avons réduit, de 10 % par an, les subventions qui existaient pour l’achat d’engrais chimiques. Jusqu’à les éliminer complètement en 2011», explique Khorlo Bhutia, secrétaire d’Etat à l’Agriculture dans le gouvernement du Sikkim. Les autorités les remplacent par le don d’engrais biologiques, fournis aujourd’hui à 25 000 agriculteurs, soit environ un tiers d’entre eux.

L’une des clés de la réussite fut la formation à la composition de leurs propres engrais et pesticides. Pour cela, les autorités ont fait appel aux pratiques traditionnelles des paysans qui n’avaient pas été touchés par l’agriculture «moderne» et chimique. C’est le rôle qu’a joué la famille Bhattrai, dont la ferme est située à Kameray, dans le sud du Sikkim. Elle est tenue aujourd’hui par le fils, Chandra Prasad, qui l’a convertie en centre d’excellence pour l’agriculture biologique et l’apprentissage de ses méthodes. Ce jeune agriculteur nous mène dans l’allée principale qui sort de sa maison : des courges sont suspendues à une tonnelle verdoyante, au sol s’alignent de bidons de potions magiques. «Nous faisons fermenter certaines plantes pendant deux semaines à l’intérieur. Ensuite nous récoltons le liquide qui en sort et le vaporisons sur les plantes. Cela les guérit et repousse les insectes», explique, d’un ton très scientifique, ce trentenaire élégamment habillé.

«L’élixir pour graines»

En descendant la pente, à travers la végétation luxuriante de cette petite ferme, Chandra Bhattrai s’arrête devant une mare remplie de minuscules algues Azolla. Elles grandissent dans les eaux propres et stagnantes et sont utilisées comme engrais naturels grâce à leur capacité à fixer l’azote. «Nos aïeux cueillaient ces algues dans les mares des rizières, explique le jeune agriculteur. C’est très simple à réaliser, il faut seulement en placer une dans la mare et elles se répandent naturellement en quelques heures.» Il en donne également à manger aux vaches, car c’est un bon complément alimentaire. Quelques pas plus loin s’élève un monticule de compost, qui a une particularité : l’ajout d’un mélange, fourni par les autorités régionales, permet à ces déchets organiques de se décomposer rapidement malgré la très forte humidité de cette région montagneuse.

C’est maintenant l’heure des travaux pratiques. Ils se tiennent sur le terrain de son voisin, Mani Kumar Pradhan. Chandra Bhattrai vient l’aider à réaliser l’une des potions magiques traditionnelles de ces exploitations biologiques : le Beej Amrit, qui se traduit littéralement par «l’élixir pour graines». Mani Kumar Pradhan lui fournit une grande bassine bleue dans laquelle les deux hommes mélangent les ingrédients : 5 litres d’urine de vache, 5 kg de bouse et 10 litres d’eau. Chandra Bhattrai remonte les manches de sa chemise et commence à remuer vivement la composition marron à la main. Il y verse ensuite un litre de lait, 250 g de chaux, de la farine de pois chiche, mélange l’ensemble et la décoction est prête. Puis le jeune paysan saisit un sac de toile qui contient les graines de moutarde à semer et le trempe pendant dix minutes. Leur immersion dans cet élixir rendra ces semences saines et résistantes aux moisissures ou maladies. «Entre 80 % et 90 % d’entre elles vont germer, soit deux fois plus que si on ne le faisait pas», assure Chandra Bhattrai.

Aujourd’hui, le Sikkim est le seul Etat indien à être complètement débarrassé d’engrais et de pesticides chimiques. Depuis 2015, leur importation ou utilisation dans les champs sont mêmes passibles d’une amende, voire d’une peine de prison. Une pratique d’autant plus étonnante que le reste de l’Inde continue à dépendre de ces produits chimiques : depuis les années 60, les autorités subventionnent l’achat d’engrais industriels, une politique qui a alors contribué à augmenter les rendements et aidé le pays à devenir autosuffisant en riz et céréales. Mais soixante ans après, les sols des greniers agricoles comme le Pendjab sont tellement appauvris qu’il leur faut des quantités affolantes d’intrants pour maintenir leurs rendements. Ces produits chimiques se retrouvent désormais dans les nappes phréatiques et les aliments consommés dans le pays entier. Certains paysans du Pendjab souffrent déjà de taux anormalement élevés de cancers et beaucoup craignent que les consommateurs soient bientôt touchés par ce même fléau. Pourtant, l’Inde continue à soutenir ce «paquet technologique» : dans le budget fédéral 2019-2020, les subventions aux engrais chimiques s’élèvent à 10 milliards d’euros, en augmentation de 14 % sur un an.

Photo : Farmer Nimtshreng Lepcha, right, attends to tomatoes on an organic farm in Lower Nandok, Sikkim, India, on Tuesday, May 3, 2016. For more than a decade in the Himalayan foothills and across the northeastern state of Sikkim, 66,000 farmers have shunned chemical weed killers, synthetic fertilizers and gene-altered seeds. Their return to traditional farming methods has made the tiny state, sandwiched between China, Nepal and Bhutan, a testing ground for a counter movement to the Green Revolution, the half-centEn 2016 à Nandok, où des milliers d’agricluteurs ont abandonné les produits chimiques. Photo Prashanth Vishwanathan. Bloomberg via Getty Images


Capter l’humidité de l’air et réduire l’irrigation

«Tant qu’on maintiendra ce système de subventions, il sera impossible de sortir de ce modèle d’agriculture chimique», déplore Bruno Dorin, agronome et économiste du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et chercheur au Centre des sciences humaines de New Delhi. Cependant, en sortir est compliqué : «Les agriculteurs dépendent de ces subventions, si un candidat prévoit de les retirer, il n’aura aucune chance d’être élu.»

Une alternative émerge, toutefois, à l’autre bout du pays : dans l’Etat de l’Andhra Pradesh, dans le sud de l’Inde, un modèle durable est en train de conquérir les paysans. «L’agriculture naturelle à zéro budget» se base, comme au Sikkim, sur le recours à la bouse et l’urine de vache pour le traitement des graines et la fabrication de l’engrais, mais aussi sur une adaptation à chaque microclimat pour capter l’humidité de l’air et réduire ainsi drastiquement l’irrigation - une aubaine dans un pays dont un tiers des terres est en phase de désertification.

Cette forme d’agroécologie est née d’un mouvement paysan, guidé par le charismatique Subhash Palekar. Le gouvernement de l’Andhra Pradesh le promeut maintenant depuis quatre ans, tout en gardant les subventions aux engrais chimiques pour ceux qui les veulent. Plus de 500 000 agriculteurs de l’Etat ont adopté ce modèle et obtiennent des rendements qui sont parfois meilleurs qu’avant, même en monoculture. Résultat, d’autres Etats indiens viennent de lancer des programmes similaires.

«Nous en sommes à la préhistoire de l’agroécologie, s’enthousiasme l’agronome Bruno Dorin. Nous devons apprendre comment utiliser toutes les bactéries dans les sols, les vers de terre, etc. On voit que cela fonctionne, mais on n’arrive pas à l’expliquer scientifiquement, car depuis un demi-siècle, on n’a mené aucune recherche sur le sujet.»

Sébastien Farcis envoyé spécial au Sikkim (Inde)


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Re: Inde

Message par Claude » 23 janv. 2020, 08:59

Et une courte vidéo sur ce petit État indien de l’Hymalaya.
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Re: Inde

Message par Plumix » 23 janv. 2020, 09:32

Impressionnant,cela donne une petite lueur d'espoir et prouve que quand on veut on peut,mais quand les dirigeants ne sont pas convaincus et se contentent ed belles paroles... :roll:

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Re: Inde

Message par Muscardine » 23 janv. 2020, 10:43

Merci, ça fait du bien !

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Re: Inde

Message par Claude » 23 janv. 2020, 12:47

Contribution de Plumix (publiée à 09:32) « approuvée » techniquement. Et approuvé en plus :D pour le sens. ;—)

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