So they knew = Ils savaient ( Donc ils savaient )
;)
Comme j’ai du mal à entendre l’anglais, voici ce que j’ai fait.
En bas à droite de la fenêtre apparaissent en blanc des icônes, j’ai touché la petite roue / engrenage,
Et j’ai choisi d’avoir des sous-titres.
Puis j’ai modifié la vitesse de lecture. À 0,75 c’était un peu mieux.
:o
Le Monde, 01 12 19.
CLIMAT
CLIMAT ET ENVIRONNEMENT
Alexandria Ocasio-Cortez : « Donc, ils savaient ! »
L’élue new-yorkaise a fait dire, face caméra, à deux scientifiques, qu’ils avaient prédit et démontré l’évolution du climat dès 1982, alors qu’ils travaillaient pour la firme pétrolière Exxon.
Par Stéphane Foucart • Publié hier à 18h00, mis à jour à 03h17 • Temps de Lecture 3 min.
La vidéo est au bon format pour devenir virale : elle ne dure qu’une minute et vingt-trois secondes. Quant au contenu, singulièrement frappant, il assure à la séquence une large circulation sur les réseaux sociaux depuis un mois. Fin octobre, Alexandria Ocasio-Cortez – AOC pour les intimes –, élue du 14e district de New York à la Chambre des représentants et étoile montante de l’aile gauche du Parti démocrate, auditionne deux scientifiques, Ed Garvey et Martin Hoffert, tous deux anciens du pétrolier Exxon.
« Dr Hoffert, votre travail chez Exxon était focalisé sur le cycle du carbone et la modélisation du climat, lance la jeune femme en montrant à l’écran une diapositive. Connaissez-vous ce graphique, établi en 1982 ? Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce que cela montre ? » Martin Hoffert s’exécute. « Bien sûr. Cela montre une projection des niveaux futurs de dioxyde de carbone [CO2], et le changement de température associé à l’évolution de cette concentration, répond le géochimiste, cheveux gris et front plissé. Et c’est une représentation très précise de ce que le climat est effectivement devenu aujourd’hui. »
L’information semble suffisamment incroyable pour devoir être répétée. « Il s’agit donc de projections datant de 1982, prévoyant de manière étonnamment précise ce qui se passe aujourd’hui, reformule Alexandria Ocasio-Cortez. Donc en 1982, Exxon – 1982, c’est sept ans avant même que je sois née ! – avait précisément prévu qu’en 2019 la Terre atteindrait une concentration atmosphérique de CO2 de 415 ppm (parties par million) et que la température moyenne aurait augmenté de 1°C. »
« Un déni historique »
Selon les dernières mesures, la concentration atmosphérique de CO2 pointait en novembre à 410 ppm (contre 335 ppm au début des années 1980) et la température moyenne mondiale s’est effectivement élevée de 1°C, par rapport à l’ère pré-industrielle. « Donc, ils savaient », conclut l’élue américaine. Narquois, Martin Hoffert lui répond : « Nous étions d’excellents scientifiques ».
Pourtant, en dépit d’une connaissance précise du problème, Exxon sera pendant de nombreuses années le grand argentier des think tanks climatosceptiques qui mèneront campagne pour alimenter le doute sur la réalité du changement climatique anthropique. « Un déni historique qui a grandement entravé le traitement de la question du réchauffement dans le monde », selon Martin Hoffert, qui n’a pas de mots assez durs pour son ancien employeur. Dans une étude publiée en 2017, deux historiens des sciences de l’université Harvard, Geoffrey Supran et Naomi Oreskes, ont même objectivé ce hiatus entre la connaissance que la société avait du problème climatique et sa communication externe.
En quelques échanges saisissants, la séquence donne à voir ce qui est désormais connu depuis 2015, avec la publication par le Los Angeles Times et le site InsideClimate News de documents internes du grand pétrolier américain. Dès la fin des années 1970, les cadres de la firme connaissaient les effets climatiques prévisibles de la combustion des ressources fossiles – charbon, gaz, pétrole –, un mémo de 1979 expliquant par exemple : « La tendance actuelle de combustion des ressources fossiles causera des effets environnementaux dramatiques avant 2050. »
Les trois années d’enquête des services du procureur de New York ont conduit à la saisie de quelque trois millions de pages de documentation interne de l’entreprise, et le procès s’est ouvert fin octobre
L’affaire ne se limite pas à des considérations morales. En 2016, le procureur de New York, Eric Schneiderman, a engagé une procédure contre le pétrolier, en vertu du Martin Act. Cette loi prévoit des sanctions contre une entreprise qui aurait délibérément caché à ses actionnaires des informations susceptibles d’avoir un impact sur son business model. Les trois années d’enquête des services du procureur de New York ont conduit à la saisie de quelque trois millions de pages de documentation interne de l’entreprise, et le procès s’est ouvert fin octobre. C’est toute la beauté de l’affaire : Exxon n’est pas formellement accusée d’avoir entravé la lutte contre le changement climatique, mais d’avoir caché les risques que celui-ci représente pour… elle-même.
Stéphane Foucart