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SANTÉ-ENVIRONNEMENT
Pots de yaourt, flacons, éponges de bain : des chercheurs ont mesuré la toxicité des plastiques
Une équipe de scientifiques a détecté des substances chimiques toxiques dans trois objets en plastique de consommation courante sur quatre.
Par Stéphane Horel Publié aujourd’hui à 11h50, mis à jour à 22h41
Temps de Lecture 3 min.
Pots de yaourt, couvercles de tasse à café ou flacons de shampooing : la majorité (74 %) des produits en plastique testés par un groupe de chercheurs basé en Allemagne (Université Goethe et Institut pour la recherche sociale et écologique de Francfort) étaient toxiques.
Si elle ne concerne que trente-quatre produits, l’étude, publiée dans la revue Environmental Science and Technology mardi 17 septembre, est cependant la plus complète à ce jour. L’objectif du groupe de recherche, dénommé PlastX, était de tester in vitro des produits de consommation courante constitués de huit différents types de plastiques : polychlorure de vinyle (PVC), polystyrène (PS), polypropylène (PP), etc.
Les objets n’ont pas été choisis au hasard, mais sélectionnés en fonction de l’importance de leur part dans les déchets municipaux. Outre ceux déjà cités, éponges de bain pour enfants, tampons à récurer la vaisselle, sets de table ou encore sachets de bonbons ont été taillés en pièces puis passés au crible d’une batterie de tests. Le tout a été reproduit trois fois, si bien que l’ensemble de ces opérations fastidieuses a pris dix-huit mois.
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Eventail de toxicité
Les chercheurs ont pu observer que ces plastiques déploient tout un éventail de toxicité. Six produits sur dix induisent une toxicité dite de référence ; quatre sur dix provoquent un stress oxydatif, à l’origine d’inflammations potentiellement nocives pour l’organisme ; trois sur dix sont toxiques pour les cellules ; trois sur dix également indiquent une perturbation endocrinienne, certains imitant les œstrogènes, d’autres bloquant les hormones sexuelles masculines.
Ces résultats, dans leur ensemble, n’ont pas surpris l’équipe, mais ont suscité une grande frustration. « Il est impossible de dire quels produits sont sûrs et lesquels ne le sont pas », regrette Martin Wagner, l’un des auteurs, biologiste spécialiste de l’impact des plastiques sur l’environnement et la santé. Sur quatre pots de yaourt par exemple, la moitié présentait une toxicité, l’autre, aucune. « Ce qui est frustrant pour nous mais aussi pour le public, car les gens ne peuvent pas savoir lesquels acheter. »
Leurs analyses, en revanche, permettent de désigner les plastiques renfermant un potentiel toxique plus important que les autres. C’est le cas du PVC (code 3 dans le triangle d’identification) et du polyuréthane (code 7, avec les autres types de plastique) – qui peut se présenter sous la forme de mousse dans les éponges ou les sets de table. « C’était attendu pour le PVC, explique Martin Wagner, qui contient beaucoup d’additifs. » Agents ignifuges, antioxydants, pigments, etc. : des composés issus de la pétrochimie sont intégrés aux plastiques lors de leur fabrication. Certains phtalates, par exemple, des plastifiants sont toxiques pour la reproduction et perturbateurs endocriniens.
Bien moins attendu, en revanche, le plastique biodégradable, l’acide polylactique (PLA), figure aussi parmi les plus toxiques. « Nous devons sortir des matières fossiles, mais il faudrait choisir des produits chimiques sûrs dès le départ », commente le chercheur. Le groupe PlastX a d’ailleurs décidé de tester ces bioplastiques en plus grand nombre.
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Véritable « boîte noire »
A l’inverse, le polytéréphtalate d’éthylène (PET, qui ne contient pas de phtalates contrairement à ce que son nom évoque) et le polyéthylène haute densité (HDPE) ne contiennent que très peu, voire pas du tout, de substances toxiques. Des produits plus sûrs existent donc sur le marché…
Tous ces tests ont été réalisés in vitro, sur des bactéries ou des cellules. « Ce n’est pas parce qu’une substance tue des bactéries qu’elle tue les humains, explique Martin Wagner, mais le résultat de cette batterie de tests constitue « un bon indicateur de la présence d’un produit chimique ayant un potentiel toxique » et représente une première étape avant des études plus poussées.
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Contrairement aux produits qu’ils contiennent ou constituent, les plastiques ne sont pas vendus avec la liste de leurs ingrédients, et leur composition en soi est une véritable « boîte noire ». Pas moins de 4 000 substances sont employées rien que pour la fabrication des plastiques destinés au contact alimentaire.
Or, parmi les 1 400 produits chimiques détectés dans leur petit échantillon, les chercheurs de PlastX ne sont parvenus à en identifier que 260. Et il leur reste impossible de désigner ceux qui provoquent une toxicité. Ce « challenge scientifique », insiste Martin Wagner, ne fait que renforcer l’importance des études sur les « effets cocktail » des substances constituant les objets du monde moderne.
Stéphane Horel