Eaux potables de Paris

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Claude
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Eaux potables de Paris

Message par Claude » 18 avr. 2019, 21:06

L’agriculture conventionnelle et ses nombreux intrants gâtent-ils l’eau potable ?
Et si oui, que faire ?

Voici un article du Monde concernant les eaux bues par les Parisiens … un article pour tous les Saint Thomas.
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PLANÈTE
DES SOLUTIONS POUR LA PLANÈTE

Pour protéger la qualité de son eau potable,
Paris tente de convertir les agriculteurs au bio.

La capitale, qui s’approvisionne à la campagne, veut convaincre
les agriculteurs d’avoir la main moins lourde sur les engrais et les pesticides.


Par Martine Valo.


Un paysage sans animaux, des aplats de colza, de blé, d’orge, de betteraves qui s’étirent à l’assaut des collines, peu de haies : l’agriculture telle qu’elle se pratique aujourd’hui a gagné les terres et les esprits au sud de la Seine-et-Marne comme ailleurs. La tendance ne fait pas l’affaire de la Ville de Paris qui y puise son eau potable. Sa régie essaie donc de convaincre les agriculteurs d’avoir la main moins lourde sur les engrais et les pesticides. Prévenir la pollution reste le meilleur moyen de préserver la ressource.

Dans la commune de Villemer, aux franges de l’Ile-de-France, s’étend un bois de 53 hectares, clos et gardé par une solide barrière. Cet espace bucolique protège plusieurs puits, notamment celui de Saint-Thomas où Paris a commencé à s’approvisionner en 1898. Pour alimenter les robinets des Parisiens, à 80 kilomètres de là, la capitale capte sans pompage 26 000 mètres cubes par jour en moyenne de l’eau qui s’infiltre alentour avant de rejoindre la nappe souterraine de la Craie.
Autrefois, le bois de la vallée du Lunain était traité comme un parc urbain, bien débroussaillé, dégagé autour de chaque pied d’arbre. « On ne lui applique plus aucun traitement chimique depuis au moins 2004, rapporte Hervé Guélon, responsable de l’entretien des sources pour Eau de Paris. Les mentalités ont évolué. »

Ici, on fait désormais grand cas des insectes, on n’extirpe plus le moindre arbre mort, bref, on laisse davantage la nature agir moyennant pas mal d’entretien manuel. Idéalement, il ne reste plus qu’à convaincre l’ensemble du bassin captant – trente-neuf communes s’étendant sur 38 000 hectares, dont 23 700 hectares cultivés – qu’il vaut mieux ne pas avoir à financer des traitements très onéreux pour réduire la contamination de la ressource par les omniprésents polluants de l’eau en France : les intrants agricoles.
Lire aussi Agriculture : pourquoi la réduction des pesticides est possible
« Un jour, j’ai reçu dans ma boîte à lettres un prospectus d’Eau de Paris, un appel à projets apparemment très ouvert, raconte Guy-Michel Desmartins. Moi j’ai répondu que je souhaitais planter du sarrasin. » Vœu exaucé : l’agriculteur a obtenu une aide pour acheter une faucheuse spécifique qui lui a permis de se lancer avec vingt premiers hectares de cette culture sans intrant. A 36 ans, il dit vivre avec 140 ha de colza, de blé et d’orge nettement moins bien que ses grands-parents avant lui, à Villeneuve-la-Dondagre (Yonne). L’agriculteur mène donc une double activité et entretient des étangs et des marais. Pour « sortir de l’impasse des cours mondiaux et des aléas météo », il ne manque pas d’idées, mais de moyens pour investir."

« Le sarrasin est une culture de niche au revenu intéressant et très active : on le sème, vingt jours après il est en fleur et y reste. J’ai l’intention de remettre des haies pour les insectes », résume M. Desmartins. Pour planter 1,5 km de saules, de charmes, de noisetiers – autant d’abris pour les butineurs auxiliaires de culture –, dont il attend qu’ils luttent contre les pathogènes, il reçoit aussi l’aide de la région Ile-de-France et de la fédération locale de chasseurs.

Longtemps, Paris s’est satisfait du plan très cohérent de captage d’eaux souterraines imaginé par l’ingénieur général Belgrand dès 1860. Un visionnaire, proche du baron Haussmann, qui eut l’idée d’aller s’approvisionner en eau dans de lointaines campagnes du côté de Sens, plus au sud en Bourgogne et jusqu’à 150 km à l’ouest en Normandie.

Les temps ont changé. Dès 1990, la ville a dû réagir face aux pics de nitrates et de pesticides et a commencé à nouer des partenariats avec les chambres d’agriculture. Avec l’agence de l’eau, elle a acquis 468 hectares loués sous forme de baux ruraux environnementaux à prix réduits : deux euros l’hectare de cultures biologiques, un euro la mise en herbe.

« Lancer une dynamique »

Comme partout, on retrouve dans l’aire d’alimentation des captages du Lunain toute une palette de pesticides, y compris de métabolites d’atrazine, un herbicide interdit depuis 2003. Quant aux taux de nitrate, ils varient entre 40 et 55 milligrammes (mg) par litre. La régie a fait le choix de diluer les nitrates. Mais, en 2004, il a fallu se doter d’une usine de traitement au charbon actif à Sorques pour retenir les pesticides, puis d’une unité complémentaire de désinfection aux ultraviolets et par chloration en 2017, au débouché de l’aqueduc du Loing, à Arcueil (Val-de-Marne).

Alors, chanvre, lentilles, sarrasin, bois ou céréales bio : toute alternative bonne pour réduire les intrants entre dans les attributions de Florine Nataf, chargée d’animation territoriale pour Eau de Paris. Depuis l’arrivée de cette ingénieure agronome en 2014, elle accompagne tous les publics, y compris les services municipaux qui continuent à avoir la main lourde sur les herbicides dans les cimetières.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi Agriculture : « Comprendre pourquoi l’usage de produits chimiques ne baisse pas »
Cependant, le meilleur remède pour restaurer la qualité de l’eau reste la conversion au bio. Dans la vallée de Lunain, qui compte 260 agriculteurs, dix-huit s’y sont mis – le double d’il y a cinq ans –, multipliant ainsi par quatre la taille des parcelles pour atteindre un millier d’hectares (presque 5 % des surfaces cultivées).

« Les premiers temps, les exploitants nourrissaient beaucoup de préjugés à notre égard, ils craignaient que nous leur imposions des changements, alors que nous n’avons pas de pouvoir réglementaire, nous voulons en fait lancer une dynamique !, assure Florine Nataf. Je dirais qu’un tiers d’entre eux n’a pas envie d’y adhérer, tandis qu’une cinquantaine sont moteurs. »

Mue agronomique

Le 1er avril, à Préaux, commune de Lorrez-le-Bocage (Seine-et-Marne), Jean-Michel Thierry, 58 ans, est passé à l’agriculture biologique dans son exploitation de 225 hectares. « Attention, le bio économique quand même, précise-t-il. Sans les études techniques des professionnels de la coopérative Union bio semences qui ont mis l’argument financier en avant, sans les aides de la région, d’Eau de Paris, je n’aurais pas franchi le pas. »

Dans sa jolie maison, Jean-Michel Thierry exprime ses doutes face aux deux premières années de transition, forcément difficiles, pendant lesquelles il faut remettre les sols en état, face à la complexité de passer de trois cultures conventionnelles à onze céréales et légumineuses en rotation, au manque de débouchés pour la luzerne et la betterave bio dans la région… et ne prononce jamais le mot « pesticides ».

S’il change de pratiques, c’est pour son fils, architecte, qui veut reprendre la ferme, assure-t-il. Et sans doute aussi parce que M. Thierry est élu d’un syndicat d’eau local. Mais il s’amuse aussi de cette mue agronomique « stimulante », « qui a bien surpris dans le coin ».

Le secteur du bio a beau être en plein boom, il pâtit de chaînons manquants. La régie d’eau de la capitale a décidé de s’impliquer tous azimuts pour favoriser l’émergence de filières sans chimie dans la région. Elle a, par exemple, contribué à créer une station de semences bio certifiées dans l’Essonne avec deux coopératives et l’appui financier de l’agence de l’eau Seine-Normandie. Elle a aussi trouvé des débouchés aux producteurs de lentilles dans les cantines parisiennes.
Article réservé à nos abonnés Lire aussi Record de conversions des agriculteurs en bio en 2018
Dans la France entière, les versements des subventions aux producteurs bio accusent deux à trois ans de retard. Eau de Paris voudrait créer son propre régime d’aides, si la Commission européenne l’y autorise.

Martine Valo :roll:

Marie_May
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Re: Eaux potables de Paris

Message par Marie_May » 19 avr. 2019, 13:25

Bougrement intéressant. Et ce n'est pas trop tôt...

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