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Posté : 26 déc. 2018, 23:25
Je ne suis pas sûr d'avoir envie de faire paraître cet article satirique ou humoristique
de Guillemette Faure sur le COMPOST … (in Le Monde)
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M LE MAG
Le compost est devenu un sujet de conversation dans les dîners en ville
Nul n’en doute : réduire le volume de ses poubelles en compostant ses déchets végétaux est bénéfique pour la planète. Au point que la question a remplacé les « débats » sur les régimes végétarien ou sans gluten. Surtout chez les citadins.
Par Guillemette Faure Publié aujourd’hui à 10h36
On appelle ça le point compost. Ce moment où, dans un dîner, quelqu’un place dans la conversation qu’il composte ses déchets. Les questions fusent : c’est pas compliqué ? (Non, mais quand même.) C’est pas dégoûtant ? (Pas du tout.) Ça ne sent pas mauvais ? (Au contraire…) Le point compost a remplacé les questions posées aux végétariens ou aux allergiques au gluten, tout le monde ayant désormais un avis sur le sujet. Si quelqu’un avoue jardiner sur son balcon, on lui demande forcément s’il fait son compost, tout comme on demande au végétalien s’il porte des chaussures en cuir. Pour mesurer son intégrité.
Parler avec enthousiasme de son compost à ses amis peut être une revanche sur les efforts passés à tenter de convaincre la copropriété d’installer un lombricomposteur. Pour finir par mettre le sien chez soi.
Le point compost se pratique en ville. Les gens qui vivent à la campagne ne jugent généralement pas plus utile de mentionner qu’ils ont un tas de fumier dans le fond du jardin que de le mettre en photo sur Instagram. « On laisse faire la nature », vous disent ceux qui ont choisi de vivre en ville, soit dans des endroits qui ont tout fait pour la contrarier. A la campagne, on ne devise pas plus de son compost que de son tout-à-l’égout. Dans les grands centres urbains, on se met au compost comme à la pleine conscience. « Pouvez-vous me dire comment vos vies ont été transformées par le compost ? », demande Thibaut Schepman, l’animateur du podcast Bons plants, au début de l’émission de jardinage urbain qu’il a consacrée au sujet. Et à un autre invité : « Est-ce que vous pouvez me raconter votre rencontre avec le compost ? » Parler avec enthousiasme de son compost à ses amis peut être une revanche sur les efforts passés à tenter de convaincre la copropriété d’installer un lombricomposteur, pour finalement, selon le plan B, devoir mettre le sien chez soi.
Le nouveau « MC » : maître composteur
Compost figure dans le « Que sais-je ? » Les 100 Mots des bobos en 28e position, entre « classe créative » et « concilier ». En ville, le jargon « start-up nation » contamine aussi le compost. Toujours dans le podcast Bons plants, Jean-Jacques Fasquel, « consultant formateur en prévention des déchets », dit être « tombé sur un retour d’expérience » à Rennes avant de développer le compost à Paris. « On laisse faire des milliards de collaborateurs, les bactéries, et on les accompagne », ajoute Alexandre Guilluy, cofondateur des Alchimistes (« nous transformons vos besoins en fleurs »). Jean-Jacques Fasquel est même l’inventeur du métier de « maître composteur » en ville. MC, donc. Un titre qui fait rêver les hyperurbains, les mêmes diplômés probablement qui rêvent de passer un CAP dès qu’ils se mettent à la cuisine. « C’est rassurant d’avoir prise sur quelque chose », dit Jean-Laurent Cassely, qui a disséqué la passion des hipsters pour le port ostentatoire du tablier dans son livre La Révolte des premiers de la classe.
Quand les hyperurbains se mettent au compost, ils peuvent faire preuve d’une minutie sacrificielle. Les camarades d’AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) de David savent qu’il y a un point compost dans sa cour et attendent que quelqu’un sorte de son immeuble avec Digicode pour pouvoir y déposer leurs déchets. Tout cela non loin d’une boulangerie dont la vitrine en plein 6e arrondissement parisien annonce aussi une activité de « meunier ». Luc, qui s’occupait d’un jardin associatif, a renoncé à gérer le compost le jour où un couple est arrivé avec un sac plastique bien noué, tenu du bout des doigts : « On vous a apporté nos déchets… » Les hyperurbains n’ont pas l’habitude d’être en contact aussi rapproché avec leurs déchets. Il m’est moi-même arrivé de mettre mes épluchures au congélo en été pour qu’elles n’attirent pas trop de mouches entre deux visites au compost du jardin associatif du quartier.Lire aussi Tri et compostage, de l’écran au terrain
Si elle pouvait observer nos rituels de composteurs des villes, ma sœur agricultrice se gondolerait. Mais, paradoxalement, ce sont plus souvent les nouveaux MC qui portent des jugements sur les composteurs des champs. « Nos grands-pères faisaient parfois du compost qui n’était pas de très bonne qualité », assure Jean-Jacques Fasquel, toujours dans le même podcast, à propos de leurs bourriers (= poubelles de jardin). Il reconnaît que c’est un « paradoxe, moi le Parisien qui vais expliquer au gars de province pourquoi il ne fait pas les choses dans les règles de l’art ». Pour justifier leurs responsabilités, il arrive que les MC des villes affichent des règles de plus en plus draconiennes sur leurs bacs à mouches. La quantité d’instructions à lire sur certains composts urbains peut évoquer cet épisode futuriste de la série Fais pas ci, fais pas ça où, Nicolas Hulot étant devenu président, douze poubelles de tri sont désormais alignées devant chaque maison française.Lire aussi Des lombricomposteurs individuels gracieusement offerts à Paris
A une époque où on peut acheter un mini-Babybel bio, le compost permet à l’hyperurbain, en plus de se sentir vertueux, de briser sa solitude.
Le point compost dans les dîners déclenche immanquablement un débat à propos des agrumes, des épluchures d’oignon ou du marc de café. Les experts savent qu’on évite simplement viande, poisson, fromage et pain dans les composteurs domestiques pour ne pas attirer les nuisibles. « Toute matière organique se dégrade, la question est de savoir en combien de temps », assure Jean-Jacques Fasquel.
A une époque où un Black Friday sorti de nulle part tombe en plein pendant la Semaine européenne de réduction des déchets, à une époque où on peut acheter un mini-Babybel bio, le compost permet à l’hyperurbain, en plus de se sentir vertueux, de briser sa solitude. « Ça crée une proximité », dit l’animateur de Bons plants à propos des vers de son lombricomposteur. « Quand on part en vacances, on se demande s’ils vont bien se porter, quand on cuisine, on se demande s’ils auront assez à manger. »
A Mathilde, une trentenaire qui en a reçu un pour son anniversaire, ses amis parisiens posent plein de questions sur l’odeur et l’entretien de son équipement. Le sujet ne semble pas intéresser ses proches du Maine-et-Loire quand elle y retourne le week-end. Car la propension à parler compost semble inversement corrélée à la quantité produite. Quand la Mairie de Paris a entrepris de ramasser les déchets végétaux, se souvient Mao Peninou, ex-adjoint à la propreté, la collecte avait commencé par les 2e et 12e arrondissements, avec l’espoir d’en ramasser plus dans le 2e, dont le maire est écolo depuis une vingtaine d’années. L’inverse s’est finalement produit. Les riverains du 2e prêts à recycler leurs épluchures avaient juste oublié qu’ils mangeaient si souvent au restaurant.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Comment j’ai opéré ma transition écologique
Guillemette Faure