La fragilité alimentaire
Posté : 07 sept. 2018, 01:41
C'est un sujet qui me préoccupe depuis longtemps. Je m'étonne que si peu de monde paraisse s'inquiéter de la fragilité des circuits de production et de distribution de la nourriture.
Pourtant les dispositifs de production et de mise à la disposition des consommateurs urbains des fruits, des légumes, des céréales, etc. … ne sont pas à l'abri de catastrophes, d'accidents naturels, de crises de folie humaine, voire de guerres.
:cry:
Aussi ai-je lu avec émotion ce court texte partant d'un précédent historique majeur, la crise de la Pomme de terre irlandaise. Il est écrit par un géographe.
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Pourtant les dispositifs de production et de mise à la disposition des consommateurs urbains des fruits, des légumes, des céréales, etc. … ne sont pas à l'abri de catastrophes, d'accidents naturels, de crises de folie humaine, voire de guerres.
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Aussi ai-je lu avec émotion ce court texte partant d'un précédent historique majeur, la crise de la Pomme de terre irlandaise. Il est écrit par un géographe.
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Pourquoi une famine peut arriver en Europe
GILLES FUMEY 6 SEPTEMBRE 2018 (MISE À JOUR : 6 SEPTEMBRE 2018)
Les contrats coercitifs qui lient les producteurs à la grande distribution sont-ils comparables aux traités de commerce entre l'Irlande et l'Angleterre au moment de la grande famine de 1845 ?
L’histoire se répétera-t-elle ? Il y a plus de 150 ans, en Europe du Nord, la pomme de terre a été une bénédiction. Délivrant les paysans irlandais des affres du climat, le tubercule assurait une telle prospérité alimentaire que la population doublait en quarante ans ! Mais les Irlandais (catholiques) devaient toujours payer le loyer aux propriétaires landlords (protestants) anglais. Les monocultures devinrent la règle.
Le malheur arriva où on ne l’attendait pas. Le mildiou, un parasite Phytophtora infestans, provoque en 1845 l’effondrement de près de moitié de la production. Pire : les exportations vers l’Angleterre ont été maintenues alors que les populations crevaient de faim. Les convois de pomme de terre étaient escortés par l’armée jusqu’aux ports, même lorsque les paysans pouvaient payer leur loyer.
Un siècle et demi plus tard, éclatent dans le monde, des scandales alimentaires liés à l’abondance. Dans le fief des Spanghero où l’on prit des indélicats la main dans le sac de minerai de cheval, à Castelnaudary (Aude), le hasard a voulu qu’ait milité en 2008 le premier locavore de France, Stéphane Linou. Aujourd’hui, l’ancien étudiant de l’université de Toulouse devenu conseiller départemental de l’Aude, passe son temps à alerter que nous sommes aussi vulnérables que ne l’ont été les Européens de la grande famine dont le bilan s’élève à un million de morts à partir de 1845, dont une bonne part en Irlande. Il avait calculé que le degré d’autonomie alimentaires des aires urbaines est de 2,1%. Un chiffre toujours valable...
Pour fêter les dix ans de son combat, Linou vient de lancer un dîner chic et raffiné, 100% locavore, dans sa région natale du Lot. Bloggeur sur Médiapart, Linou convainc Benjamin Zimra et sa famille de ne cuisiner que des produits issus d’une géographie locale – cinquante kilomètres au maximum – pour moins de dix euros par personne.
Pari tenu le 31 août à Escamps (Lot) pour un menu digne d’une table étoilée : Feuilles de chêne, croquettes de boudin noir et copeaux de porc noir gascon en entrée, suivi d’un carré d’Agneau fermier du Quercy fumé au bois de genièvre, prune grillée, légumes racines du moment et compotée d’échalotes à l’eau-de-vie de genièvre, et en dessert Abricot rôti au miel et lavande, sorbet à la fraise. Le vin était, forcément, de Cahors.
CYBERATTAQUE
Depuis dix ans, Stéphane Linou sillonne la France et il est très alarmiste pour notre alimentation. Le local est la démonstration d’une vulnérabilité par rapport aux approvisionnements. Dans les villes, moins on cuisine, moins on fait de stocks chez soi qui sont reportés dans les supermarchés. « Que se passerait-il si une cyberattaque était déclenchée sur la chaîne logistique ?» s’inquiète Linou qui enfonce la botte de radis dans le panier des Français : « Il faut reprendre par le territoire, collectivement et individuellement la main sur la production de nourriture, sa distribution et son stockage.» Nos marges de manoeuvre en cas de pépin dans la distribution sont minuscules.
Avec l’opération « Je viens manger local chez vous », Linou prouve que manger local est moins coûteux que de passer chez les distributeurs dont l’abondance conduit au gaspillage, au supermarché et chez soi. La grande distribution joue d’une certaine manière le rôle des Anglais dans la famine irlandaise : en préemptant les récoltes qu’elle achète avec des contrats léonins à bas prix, elle affame ceux qui la nourrissent. Pour une fois, Christiane Lambert de la FNSEA n’a pas tort de protester, même si son syndicat est largement responsable de cette situation qui pousse tant de paysans aux rapports de forces avec les industriels, parfois jusqu’au suicide.
Dans les semaines qui viennent, si vous passez par le Lot, cherchez à vous faire inviter par le plus célèbre locavore de France. Il saura vous convaincre de déserter les supermarchés et de vous mettre en quête de producteurs locaux.