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https://www.lemonde.fr/livres/article/2 ... _3260.html
De la part de Jonathan Parienté (service Les Décodeurs) : «
Le K », de
Dino Buzzati
Des nouvelles ? Des fables ? Le K, de Dino Buzzati (Robert Laffont, 1967), c’est un peu tout cela, mais, étrangement, ces 50 textes forment un tout homogène sur notre condition de mortels. C’est parfois naïf, les ficelles sont un peu grosses à certains moments, mais j’ai une affection particulière pour ce livre.
J’aime l’offrir afin de partager le rêve qu’un dieu existât et se manifestât. Pas n’importe lequel : celui que Buzzati convoque dans « La Leçon de 1980 ». Excédé par l’incurie des hommes, le Tout-Puissant décide de remettre de l’ordre ici-bas. Alors que l’apocalypse menace, le chef de l’Union soviétique meurt subitement. Une semaine plus tard, le même sort frappe son homologue américain. Par quelle coïncidence les deux hommes les plus puissants de la planète ont-ils pu trépasser en si peu de temps ?
Bientôt, tout doute se dissipe quand le vice-président américain est foudroyé à son tour. Buzzati écrit : « Non, on ne pouvait plus parler de hasard. Une puissance surhumaine s’était mise en mouvement pour frapper à échéance fixe les grands de ce monde (…). Par décret supérieur, la mort enlevait, chaque semaine, celui qui, à ce moment-là, était, parmi les hommes, le plus puissant de tous. »
Les pauvres mortels comprirent très vite à quel point ils l’étaient. Chacun craignant d’être le prochain à rejoindre le père éternel le mardi suivant, il n’y eut bientôt plus un président ni un ministre, plus un général ni un chef d’entreprise ou un milliardaire. En six mois à peine, il n’y eut plus l’ombre d’un conflit, local ou mondial ; plus de haine, plus de controverse ni de désir de domination. « Une quarantaine d’infarctus judicieusement distribués avaient suffi pour arranger les choses sur la Terre. » Quand je lis le journal, je ne peux m’empêcher de songer au K de Buzzati en me disant ceci : il serait temps que Dieu se manifeste pour régler les quelques problèmes du moment.
« Le K » (Il colombre e altri cinquanta racconti), de Dino Buzzati, traduit de l’italien par Jacqueline Remillet, postface de François Livi, Pocket, 448 p., 7 €.